INANNA
J’exploite la thématique «extension» en réemployant et revalorisant des matériaux d’emballage destinés à être des déchets, après leur usage d’emballage, issus de mon travail dans un entrepôt de fruits exotiques. Je réinvestis des emballages utilisés durant le transport des fruits exotiques de leur pays d’origine au pays de destination.
Les emballages dissimulent, occultent, protègent, ils sont des contenants protégeant des contenus. J’investis la notion d’emballage lié à l’intérêt à déballer, découvrir. L’emballage parce qu’il recouvre et cache, suggère, suscite la curiosité, l’envie de découvrir et révéler ce qu’il contient. Dans mon projet, je m’intéresse à ces étapes entre l’emballage et déballer, entre cacher et révéler, entre suggérer et exacerber.
Ainsi la collection traduit par différentes lignes ces étapes.
Dans une première ligne : le corps est surprotégé, enveloppé et disparaît sous des volumes rembourrés par de la ouate, le corps devient une silhouette qui convoque une nouvelle architecture corporelle déformée où le corps est soustrait aux regards.
Le corps est emballé de la tête aux pieds dans une masse monochrome noire constituée par des mailles côtelées opaques également déformées par les volumes des rembourrages de ouate. Ce corps déformé et totalement emballé, engendre une perte de l’identité totale. Le corps devient une masse noire aux allures monstrueuses, ce corps textile est intrigant, dérangeant.
Une seconde ligne révèle le corps pourtant emballé totalement. Un jeu de robes transparentes noires réalisées dans du tulle, de l’organza, et un voilage d’emballage de palette recouvrent le corps tout en le suggérant grâce aux translucidités des matières. On devine le corps, il est comme voilé, flouté, filtré. Ces pièces translucides sont déformées, presque « transpercées » par des pièces de corsetterie réalisées en feuillard noir ( bandes de cerclages utilisées pour le maintien des palettes). J’investis et détourne ce matériau pauvre, en lui conservant son usage de maintien et de structure puisque je l’utilise comme une baleine de corsetterie. En assemblant, en attachant par de fins cerclages avec un fil de laiton cuivré des bandes de feuillard, je fabrique, je constitue des pièces sculpturales évoquant des corsets évidés. Seules les baleines des pièces de corsetterie sont présentes. Les « baleines » sont à la fois près et loin du corps, créant des volumes qui soulignent le corps et d’autres qui suggère l’interdit comme une cage empêchant de s’approcher du corps. Ces pièces par des courbes et contre courbes complexes suggèrent la ferronnerie d’art. Tout comme des grilles, ces pièces de corsetteries interdisent l’accès et protègent un lieu/corps important, de grande richesse.
Une troisième ligne réalisée à partir de manchons de protection individuel pour fruits exotique fragile, en filet mousse expansé de coloris rose fuchsia convoque également des pièces d’un vestiaire intime (body, string, panty..), le filet mousse protège non plus le fruit mais l’intimité. Les manchons souples sont assemblés entre eux de manière à créer des volumes sculpturaux et de manière aléatoire près du corps. Ils évoquent des fleurs exotiques comme des orchidées aux pétales retournées, renversées. Le filet/résille rose évoque les bas résille portés par les danseuses érotiques ou encore les travailleuses du sexe. Les fruits et les fleurs ont une odeur. Les fleurs fabriquent leurs parfums grâce à leurs pétales, au niveau des petites glandes (osmophores) qui sécrètent des « phéromones », une arme redoutable de séduction. Les marques de luxe sont aussi associées à des odeurs ( les parfums signés des grandes marques du Luxe). C’est pourquoi j’intègre une pièce interactive diffusant une odeur seulement quand on a envie, comme un parfum que l’on porte dans une démarche de séduction donc dans des moments et des contextes. Ce parfum fruité à base de phéromones sera diffusé à l’aide d’une application seulement quand la personne qui porte le vêtement a la volonté de séduire, il s’agit donc d’une pièce reliante entre un émetteur et un récepteur, une pièce communicante et odorante.
Une quatrième ligne vient révéler et orner, décorer le corps par des pièces transparentes en silicone (matériau détourné car issu du champ du bricolage et du bâtiment utilisé pour isoler). J’utilise le silicone en créant des surfaces translucides comme une peau synthétique, translucide qui protège la peau du corps, celle-ci colore un peu la peau de silicone lorsque ces peaux se superposent. Des éclats de perles et de sequins de coloris rouge sont emprisonnées dans ce matériau. Ces éclats suggèrent la graine (symbole de vie), le grain, le pistil, le pépin des fruits mais aussi d’éclat de diamant (symbole de richesse et d’amour) qui semblent inclus, emprisonnés dans la surface de silicone. Le corps recouvert par cette surface suggère une surface vivante comme prête à éclore. Certaines pièces découvrent des parties érogènes du corps dans une idée qu’elles soient vues et consommées. Les systèmes d’attache utilisés sont des crochets maillettes, fournitures utilisées dans la corsetterie. Une combinaison intégrale suggère les combinaisons utilisées dans l’univers du BDSM, puis les autres pièces découvrent toujours un peu plus le corps, on passe d’une pièce intégrale, à un body et des pièces en référence à l’univers de la lingerie.
Une dernière ligne est répartie en 3 sous lignes de bijoux.
Les formes des bijoux sont dérivées et suggèrent une grenade coupée en deux et la vulve féminine, tous deux sont des symboles de fécondité. Les bijoux recouvrent essentiellement des parties érogènes du corps mais aussi des parties du corps qui dans l’histoire et dans des cultures étaient utilisé à des fins de séduction (les poignets chez les geishas : pour récompenser un homme qu’elles désiraient séduire elles laissaient leurs longues manches découvrir leurs poignets quand elle servait le thé par exemple, cette seule parcelle de peau suffisait au plaisir/récompense de leurs prétendants). Les 3 sous lignes suggèrent 3 états différents de la grenade/vulve. Une première juteuse
et mature, une autre plus volumique avec un travail du filet mousse convoqué comme une écorce/lèvres proéminentes et une dernière suggèrent à la fois les poils pubiens et les pièces de corsetterie noire qui en interdisent l’accès.
Sur chacune des pièces, un travail très détaillé, précis et organisé de perles Swarovski dans différentes tonalités de rouges et des sequins roses (utilisés dans le domaine du spectacle et de la fête) sont collés, apposés sur une base en silicone. La couleur rouge des perles faisant écho à la fois à la grenade et à la vulve mais aussi à l’amour et l’excitation. Le rose fuchsia symbolise par sa couleur la pulpe de fruit sucré comme le pitaya ou fruit du dragon et certaines goyaves. Ces couleurs sont aussi très présentes dans le domaine du maquillage, outil de séduction, d’embellissement et de modification de l’apparence. Le travail des perles est du collage sur des plaques de silicone aux éclats de perles. On retrouve donc une idée de confrontation de matériaux pauvres et riches, où la richesse des perles viennent augmenter, magnifier et recouvrir de valeur le silicone. Les systèmes d’attache pour ces bijoux sont soit des crochets maillette ou des boucles de ceinture de petite échelle évoquant l’univers BDSM. Les bijoux déposés ainsi sur les parties érogènes du corps viennent augmenter une sensation de désir mais aussi de valeur et ornent le corps comme une parure intrigante.
Crédit
CLAIRE GERLERO
D.A / Designer / Photographe
MEGAN
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CAMILO DUARTE RIVAS
Assistant photographe
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